avec Yuliuya,Vladislaw Kamarov,Andrey Gusev.

Drame, historique, Russie.

2021, 2h

« Une ville de province dans le sud de l'URSS en 1962.

Lioudmila est une fonctionnaire farouchement dévouée au Parti communiste. Sa fille décide de participer à la grève d'une usine locale et les événements prennent une tournure tragique...»

Dans ce film, le choix du noir et blanc n'est ni une fioriture esthétique ni un choix idéologique de coller à l'image de la grisaille, souvent plaquée sur les pays communistes.  Andrey Konchalovsky a simplement voulu être au plus près d'une certaine réalité ;  celle des documents puisque toutes les photographies des années 1960 étaient en noir et blanc.

Chers camarades ! est un bon film qui montre l'ambivalence entre l'idéologie qui peut nous animer et le sentiment personnel dont on ne peut s'affranchir véritablement.

Au-delà de cette démonstration, on assiste à une vaste manipulation d'État. Lioudmila est une communiste convaincue. Persuadée que pénuries et sacrifices ne peuvent être que temporaires, que les lendemains seront forcément toujours plus chantant, il est inconcevable pour elle que les ouvriers fassent grève.

Elle sera la première à réclamer des sanctions exemplaires contre les grévistes et les manifestants.

Cette position de principe, très rigide, peut se tenir face à une manifestation d' anonymes mais elle vacille rapidement quand, cette foule inclut sa fille. Les événements tournent mal. Si certains soldats tentent de rappeler que « la Constitution interdit à l'armée de tirer sur le peuple », l'enchaînement des faits vire au tragique bain de sang.

Lioudmila qui assiste à la scène est directement placée face à ses contradictions.

Après cette violente première prise de conscience, une seconde va se mettre en place. De nombreux manifestants sont tombés. Or, peu de morts et de blessés sont annoncés par les autorités. En cherchant désespérément sa fille, Lioudmila découvrira comment on maquille habilement l'histoire.

Le spectateur chemine avec les personnages qui perdent leurs illusions car confrontés directement, intimement, avec le principe de réalité.

Chers camarades ! n'est pas un réquisitoire antisoviétique, mais donne a voir une prise de conscience. C'est une bonne démonstration d'un cheminement douloureux.

Andrey Konchalovsky a dit vouloir rendre hommage aux convaincus de la première heure « Je pense que les Soviétiques de l'après-guerre, ceux qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu'à la victoire, méritent d'avoir un film qui rend hommage à leur pureté et à la dissonance tragique qui a suivi la prise de conscience de la différence entre les idéaux communistes et la réalité qui les entourait...»

Ce film est basé sur une histoire vraie, le massacre de Novocherkassk qui a eu lieu les 1er et 2 juin 1962 et qui a été gardé secret jusque dans les années 90.