La difficulté d'être
Cocteau Jean
1
Le Livre de Poche, 1989
« Cocteau le fabuliste, l’esthète, le moraliste. Un ludion toujours partout et nulle part, insaisissable, virevoltant joyeusement dans tous les styles et tous les genres.
Avec La difficulté d'être, se découvre un homme qui, mieux que beaucoup de ses contemporains, a éprouvé le sens du tragique.
" En fin de compte, tout s'arrange sauf la difficulté d'être, qui ne s'arrange pas ". »
Cocteau, de santé fragile, écrit ce petit essai en 1947 alors qu'il est rattrapé par ses maux, il a alors la cinquantaine.
Dès les premières pages, on se rend compte que ce livre n'intéressera que ceux qui connaissent un peu la vie et l'œuvre de cet artiste.
Sans ce préalable, on pourrait tout à fait ne pas accrocher à cette suite de considérations personnelles de l'écrivain.
Jean Cocteau, dans un style très littéraire, livre ses sentiments et son expérience aussi bien sur la vie ordinaire que sur le sens même de l'existence.
De son enfance à l'amitié, de son physique, qu'il décrit lui même comme ingrat, au théâtre, de la mort à la frivolité… tout ce qui tient à cœur à l'auteur est évoqué.
On découvre un homme qui souffre physiquement et qui se réfugie dans ses rêves pour échapper à la douleur. Avant de se laisser porter par ces confessions d'un artiste hétéroclite, l'entrée dans ce livre n'est pas forcément aisée. La plume est celle d'un esthète dans le sens intellectuel, penseur de l'art.
Il pratique tout autant qu'il conceptualise. Il souhaite en dire peu, pense qu'il utilise bien peu de mots eu égard à tous ceux qui sont à notre disposition, se défend de savoir écrire…
on l’imagine lisant certains écrits contemporains !
Si l'ensemble n’émoustille pas notre intérêt de façon égale, certains chapitres sont de très belles pages qui brossent le tableau d'un monde artistique que les moins de cent dix ans n'ont pas connu. Cocteau décrit merveilleusement comment les artistes étrangers exilés à Paris au début du XXe siècle ont insufflé une véritable Révolution artistique.
On lit également avec beaucoup de plaisir quelques beaux portraits de ses contemporains.
On retrouve notamment le fantasque Erik Satie qui aime haïr ceux qu'il admire. Mais aussi le très attachant Guillaume Apollinaire et son rire tonitruant : « le rire ne sortait pas de sa bouche. Il arrivait des quatre coins de l'organisme. »
Bien sûr une large place est faite à Raymond Radiguet dont les liens sont très forts avec l'auteur, faisant dire à ce dernier que la mort de ce poète exceptionnel lui a fait perdre sa clairvoyance...
Si ce livre est une forme de confession, il ne faut cependant pas s'attendre à l'évocation de sujets trop brûlants comme la période de l'Occupation.