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Ivo & Jorge

Rotman Patrick

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Grasset, 2021


« Semprún se penche vers Montand. Il appuie son bras sur l'épaule de son ami et lui murmure :

- Le communisme n'était pas la jeunesse du monde, mais il était notre jeunesse.

Les yeux de Montand reflètent un instant la mélancolie des jours passés, des années envolées. Il contemple la photo sur la table, le sourire de Simone, sa main sur sa nuque. Son visage ridé comme une eau frissonnante, s'ouvre dans un sourire tendre.

- C'est joli,  ça ! »


Un excellent livre qui retrace le parcours d'Yves Montand et de Jorge Semprún. Leurs premiers pas n'ont rien de commun. Le parallèle entre ces deux vies est très bien mené et nous conduit au point de convergence : les illusions puis désillusions de l'idéologie communiste.

Patrick Rotman navigue entre les deux personnalités de façon très rythmée. En quelques paragraphes, on passe d'une vie à l'autre, suivant la chronologie, tout en incluant des va-et-vient au gré des souvenirs des uns et des autres.

On retrouve, où on découvre le milieu des ouvriers pauvres de l'entre-deux-guerres, avec la famille d'Yves Montand arrivée d'Italie pour fuir la montée du fascisme. La première partie de la vie de celui qui sera autant acteur que chanteur, est un combat pour survivre. Se hisser hors de la pauvreté le fera passer à côté des enjeux et des horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Il court alors les cachets, les scènes de cabaret, exerce sa voix tous les jours... il regrettera et dira jusqu'à la fin de sa vie qu'à cette période, il est « passé à côté de l'essentiel ».


Du côté de Jorge Semprún, la guerre d'Espagne marquera le début de l'exil. Né dans les beaux quartiers de Madrid, sa famille bien que bourgeoise, choisira sans hésiter le camp des Républicains. La vie des réfugiés espagnols n'est pas un long fleuve tranquille et on peut dire qu'elle forge le caractère. Le jeune Jorge Semprún s'engagera dans la Résistance durant la Seconde Guerre et connaîtra le camp de Buchenwald.


Sans se connaître encore, c'est après la guerre que Montand et Semprún s'engageront dans la même voie. Celle que beaucoup ont pris en espérant des lendemains qui chantent pour les exploités. Le premier en affichant publiquement ses convictions communistes, le second en étant un agent actif du parti.

Finalement la rencontre de ces deux-là ainsi que leur amitié se feront sur leurs désillusions dans les années 60. S'affranchir de leurs idéaux de jeunesse a été une véritable déchirure et les liens qu'ils ont tissés entre eux durant les trois décennies suivantes semblent les avoir aidé à surmonter ce qui s'apparente à une perte, un deuil.

Avec la vie de ces deux personnages célèbres, c'est tout un pan de l'histoire qui se déroule sous nos yeux. À eux deux, Semprún et Montand illustrent le parcours idéologique de toute une génération de l'après-guerre.


Avec un style agréable et fluide, Patrick Rotman nous fait voyager dans le temps. Un voyage qui permet de ne pas juger trop vite les errements du passé.

Ce livre est à la fois instructif et plein de sensibilité, factuel et émouvant.

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