Sabine Wespiezer éditeur, 2024

« À Alger dans les années 60, la narratrice savoure le bonheur de l'éternel présent, propre à l'enfance. Sa mère est française, son père algérien.

Elle appartient à l'une de ses familles dont les femmes ont épousé, en pleine guerre, des Algériens venus étudier en France, les ont suivis dans le pays à reconstruire, avec pour horizon l'avenir radieux de l'Algérie indépendante, où chacun trouverait enfin sa place…

Très bien écrit, ce roman est très instructif. À travers l'histoire de la narratrice, ce sont des liens d'amour et de haine qui se nouent sous les yeux du lecteur.

Témoin durant son enfance de scènes ou de conversations dont elle ne mesure ni les tenants ni les aboutissants, ce n'est que devenue adulte que la narratrice peut analyser les événements.

L'Algérie prend dans ces pages l'allure d'un fantasme. Celui-ci si différent chez chacun n'entraîne que le chaos !

Fantasme des colons qui ont cru leurs bons droits éternels et qui sont partis dans la haine d'un pays qu'ils estimaient avoir bâti.

Fantasme des Algériens revenus après leurs études en France, pour construire un nouvel état indépendant et qui se sont heurtés à des difficultés politiques et économiques qui les ont vite dépassés.

Fantasme de leurs épouses françaises qui ont cru possible l'établissement d'une nouvelle société multiculturelle et qui ne sont restées que l'image haïe  des colonisateurs.

Fantasmes des enfants de ces couples qui se sont crus chez eux mais qui finalement ne le seront véritablement nulle part.

La présentation de tous les protagonistes qui entourent de près ou de loin (famille, voisins...) la narratrice montre à quel point l'Algérie navigue pour les uns et les autres entre rêve et cauchemar.

Cette lecture est à la fois poignante, car elle touche les individus, mais également très intéressante car elle permet, si ce n'est de comprendre, au moins d'appréhender l'histoire compliquée d'un pays dont les relations avec la France restent inévitables.

Un beau roman !