Grasset, 2023

« Mon premier est espagnol : peintre précoce et surdoué, il arrive à Paris en 1900 et magnétise les artistes de Montmartre qui l'érigent en prophète du mouvement moderne. Mon second est français : silhouette d'elfe, talents multiples, il s'invente en copiant. Vient la guerre de 14. Soucieux de rejoindre l'avant-garde, le caméléon de vingt-six ans traque son aîné de huit ans pour en faire son nouveau modèle. Ainsi débute l'étonnante amitié entre Pablo Picasso et Jean Cocteau.»

 

Cet ouvrage livre le parcours de deux artistes majeurs du XXe siècle et analyse leur étrange  lien d'amitié fait d'amour et de haine, d'admiration et de dénigrement. 

On traverse Paris, croise tous ces artistes et on ne vit pas moins de deux guerres. Cocteau, le dandy de la rive droite aura toutes les peines du monde à se faire accepter des jeunes artistes de la rive gauche. C'est en s'accrochant à Picasso qu'il parviendra à se frayer un chemin dans la jeune génération de créateurs. Chemin souvent douloureux, notamment lorsqu'il croise la route du redoutable André Breton. 

L'amitié Cocteau/ Picasso semble en premier lieu basée sur une notion d'utilité plus que le sentiment.

Elle évoluera par la suite de façon très déséquilibrée en la défaveur du poète.

Picasso ouvre à Cocteau les portes d'un milieu qui n'est pas le sien. Cocteau se fait le chantre du peintre prenant par là le rôle d'Apollinaire, mort en 1918.

Le portrait des deux artistes est finement tissé. Picasso qui ne voit d'importance à rien d'autre qu'à son art, broie ses amours tout autant que ses amitiés. 

On le sait aujourd'hui, mais à la lecture de ce livre, on constate que cela se savait tout autant à l'époque du peintre. Il y a donc une sorte de masochisme de la part de ceux qui l'ont cotoyé à vouloir faire partie de sa vie. 

À travers sa relation avec Cocteau, ce dernier apparaît comme un être d'une extrême fragilité. Il poursuit le peintre de son admiration débordante et d'un amour étouffant qui provoquent plus d'agacement que de retour positif. 

Picasso transforme en œuvres d'art tout ce qu'il touche,  Cocteau touche à tout sans sembler trouver sa voie. Chacun s'accuse de plagier l'autre, tout en s'admirant mutuellement ( avec discrétion pour Picasso ).

Ce livre très bien écrit est une mine d'informations sur une époque où l'art semblait faire sa révolution permanente ( ce qu'on peine à voir aujourd'hui ).

Il est également un éclairage très intéressant sur les rapports humains entre deux personnalités très différentes dont au final le seul point commun semble être un mot :  " l'art " !

À lire tout autant pour Picasso que pour Cocteau. 

Pour ce dernier, il peut être un bon préalable à la lecture de La Difficulté d'être présenté également dans ce parcours.