Calman Lévy, 2023

«  Un ogre de béton, une vilaine chute dans l'escalier, le Salon des arts ménagers, une grossesse problématique, la miraculée du Charleville-Paris, la propreté des Françaises, " Savons du Levant, Savons des gagnants ", les lapins du laboratoire Delaveau, vingt mille francs de la main à la main, une affaire judiciaire relancée, la mort d'un village… et trois histoires d'amour. »

Après Le grand monde, nous attendions avec impatience la suite de cette saga. C'est donc avec grand plaisir que nous avons retrouvé la famille Pelletier dans Le silence de la colère. On pouvait craindre, une fois passée l'attrait de la nouveauté, que l'intérêt ne s’émousse... il n'en est rien. Pierre Lemaître sait surprendre ses lecteurs et ce roman est jubilatoire.

L'histoire se déroule durant l'année 1952. L'auteur nous plonge dans une époque particulière où la société évolue avec ses promesses d'une entrée dans une aire de modernité.

On suit les trois enfants de la famille et chacun nous ouvre une fenêtre sur un aspect de la vie quotidienne, des mœurs, des rapports humains et sociaux de la France d'après-guerre.

La plus jeune, Hélène, que nous avions laissée pleine de doutes dans le précédent roman, trouve petit à petit sa place dans un monde professionnel, largement dominé par les hommes. Journaliste, elle nous fait découvrir l'histoire d'un village qui va être submergé au nom de la modernité. La fée « électricité » ne s'occupe guère du passé !

D'un point de vue personnel, Hélène vivra, jusque dans sa chair, la difficulté d'être une femme… on est encore bien loin de la légalisation de l'avortement !

François, son aîné, prend du galon dans son journal. S'il cherche toujours des rebondissements à un fait divers plus ancien, le plus grand mystère auquel il sera confronté concerne celle qu'il aime.

Le plus âgé, Jean dit « Bouboule » reste toujours le plus surprenant. Le lecteur avait découvert avec stupéfaction que, tyrannisé par son épouse, cet homm,e la plupart du temps faible et docile, est capable des accès de violences les plus odieux. Il vit dans la peur permanente d'être démasqué. D'un point de vue professionnel, il a largement été habitué aux échecs. Cette fois, en se lançant dans le prêt-à-porter, peut-être aura-t-il plus de chance ?  Son activité permet de nous faire entrevoir le milieu des travailleuses exploitées et souvent malmenées par des contremaîtres qu'on espère d'un autre temps !

Bouboule est le personnage qui fait naître le plus de sentiments ambigus chez le lecteur…. sa femme Geneviève, totalement horrible, nous fait vivre les moments les plus drôles.

Le plaisir de lecture est au rendez-vous une fois de plus, on voudrait déjà dévorer le volume suivant !