J'accuse
Roman Polanski
2
avec Jean Dujardin, Louis Garrel, Emmanuelle Seigner
2h12, drame, historique, France, Pologne.
“ L'affaire Dreyfus dura 12 ans. Dans cet immense scandale se mêlent, erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme.
L'affaire est racontée du point de vue du lieutenant-colonel Picquart, qui une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le capitaine Dreyfus avaient été fabriquées.”
Un bon film, les acteurs sont excellents, les images esthétiques sans en faire trop, le fil de narration clair, Roman Polanski a fait oeuvre utile.
Le temps qui nous sépare de l'affaire (Dreyfus sera réhabilité en 1906) permet d'atténuer les passions et de rendre un propos plus conforme à la réalité : humainement, Alfred Dreyfus n'est pas un homme très attachant, Picqard n'est pas un héros au grand cœur.
Cette distanciation donne un film qui manque parfois d'émotion (sauf la scène de dégradation) mais d'une grande utilité pédagogique pour les jeunes générations.
Le déroulement de l'affaire est entièrement vu à travers le regard de Picqard. L'utilisation de flash-back permet une bonne compréhension, tout en évitant l'ennui de la longueur. Au plus près de l'appareil militaire, les manipulations nous sont révélées de l'intérieur : mensonges, fabrication de faux..., nous montrent à quel point cette grande famille qu'est l'armée n'est pas très honorable.
Pourtant, c'est elle que Picqard veut sauver, avant même Dreyfus en tant que personne humaine.
Picqard, antisémite, ne révèle l'affaire que pour protéger l'armée des possibles accusations d'erreur judiciaire et la suspicion d'avoir laissé en liberté un coupable.
Ce qu'il apprendra à ses dépens, c'est que ce n'est pas une véritable erreur. Beaucoup de ses responsables savaient que Dreyfus n'était pas coupable,le seul tort de ce dernier devient alors d'être juif.
On suit avec plaisir l'enquête, découvrant les services du renseignement du 19e siècle : des filatures pas très discrètes, des photos floues, des écoutes au stéthoscope... les reconstitutions de Paris sont très soignées.
Un petit manque vient de l'ambiance. On voit régulièrement les antidreyfusards déverser leur haine mais pas assez les affrontements avec les dreyfusards.
Une très bonne et terrible scène d'autodafé, qui pourrait tout droit être sortie d'un film sur le nazisme, souligne les prémices des horreurs qui exploseront 40 ans plus tard.
L'affaire Dreyfus a divisé la France, mais plus encore s'est insinuée dans les familles.
Il est un peu dommage que Roman Polanski ait réduit les dreyfusards à une petite poignée d'hommes même si celle-ci réunit Zola et Clémenceau.