Ailleurs, chez moi de Douglas Kennedy, Belfond, 2024

« Lors d'un salon littéraire en France, alors qu'il déjeune avec quelques écrivains locaux, Douglas Kennedy est apostrophé par l'une des convives qui lui lance qu' « elle le trouve plutôt raffiné pour un américain ». Piqué au vif par ce qui n’était en somme qu'une flatterie maladroite, Douglas s'interroge : être américain c'est quoi ? »

En suivant le fil de son histoire personnelle, Douglas Kennedy brosse le portrait des États-Unis. 

Élevé dans une famille dysfonctionnelle, l'auteur s'est vite tourné vers la littérature qui a été un moyen d'évasion. Il a fréquenté bibliothèques, cinémas et clubs de jazz pour échapper à l'ambiance pesante du domicile familial. 

À travers le désamour et les frustrations de ses parents, Douglas Kennedy analyse les changements de société entre la génération qui a connu la Seconde Guerre mondiale et la suivante qui contestera la guerre du Vietnam.

En nous racontant son enfance et son adolescence, l'écrivain né en 1955, nous fait également vivre la transformation de sa ville : la construction de quartiers, la disparition des cinémas indépendants, l'augmentation des prix du logement qui vide le centre de New York des classes moyennes….

En retraçant l'histoire de la fondation des États-Unis d'Amérique, l'auteur cherche à comprendre comment un pays si attaché à la notion de démocratie et à la séparation entre le religieux et l'État, a pu en arriver à voter pour un Donald Trump porté au pouvoir par des religieux fondamentalistes.

Le point de rupture semble être la présidence de Ronald Reagan qui aurait marqué un désengagement total de l'État dans les services publics.

En lisant cet ouvrage, on a la confirmation de ce qu'on  pressentait à la vue des images des grandes manifestations qui ont suivi la première élection de Trump :  New York n'est pas l'Amérique !

L'auteur a vécu dans cette ville avant de parcourir le monde mais c'est en parcourant son propre pays qu'il prend conscience d'être New Yorkais avant d'être américain.

Les fractures du pays sont multiples et l'auteur les expose clairement. Trump les exacerbe jouant ainsi avec le feu, comme lors de l'entrée en force de ses partisans dans le Capitole, après sa défaite de 2021.

Ailleurs chez moi est un livre très bien écrit qui se lit comme un roman. Toutes les analyses de l'auteur sont illustrées par des exemples concrets. De même il est très intéressant et instructif d'avoir le point de vue d'un Américain « de souche » qui nous semble plus éclairé que les analyses « à la française » des chroniqueurs qui pullulent sur nos antennes.

Cela dit les différences conceptuelles entre nos deux pays nous empêchent souvent de comprendre le fonctionnement de celui qui est considéré comme le symbole de la liberté... mais laquelle ? : celle d'entreprendre, de posséder une arme, de s'endetter pour se soigner...