Freelander
Jergović Miljenko
2
Acte Sud, 2009
" Karlo Adum se décide à entreprendre un voyage de Zagreb à Sarajevo pour prendre connaissance du testament de son oncle. Dans sa vieille Volvo, il traverse un pays désormais morcelé en territoires tour à tour croates, serbes et bosniaques. Passages de frontières, villages abandonnés, restaurants en bord de route, rencontres…
Mais qu'y a-t-il donc à Sarajevo qui le pousse à se munir d'un revolver, lui paisible professeur d'histoire à la retraite ? "
Ce roman, très bien écrit ne s'apprécie totalement qu’à trois conditions : il faut au préalable en savoir un minimum sur les rapports entre croates et bosniaques, entre catholiques et musulmans au sein des Balkans. Ensuite il faut aimer l'humour plutôt féroce d’un auteur qui nous semble être un sacré « pince sans rire ». Et enfin comme nous l'avions dit pour son autre ouvrage Le palais du noyer, il faut s'accrocher un peu.
La narration suit des circonvolutions qui peuvent perdre le lecteur mais si on reste bien dans les rails de l'esprit grinçant de l'auteur, on n'est pas déçu du voyage.
Le périple du personnage principal entre Zagreb et Sarajevo est ponctué de rencontres, parfois insolites, de péripéties, parfois troublantes et de souvenirs.
Le lecteur découvre petit à petit Karlo Adum. Ce professeur d'histoire, veuf, à la retraite paraît de moins en moins sympathique au fil des pages. Sa carrière s'est essentiellement déroulée sous le régime communiste et les rapports de suspicions, délations, ne favorisent pas particulièrement l'expression de la meilleure part de l'être humain.
Karlo traverse deux pays qui avant 1991 n'en faisaient qu'un. À travers son regard, on note une critique acerbe des Balkans en général, mettant en lumière, bêtise humaine, violence crasse, méfiances tutélaires…
Karlo Zadum voit la Bosnie comme un lieu sauvage « C'est donc ça la Bosnie. Ce paysage un rien effrayant fit froid dans le dos au professeur. »
Parallèlement il n'est pas plus complaisant avec la Croatie.
On rit beaucoup de l'humour particulier de Miljenko Jergović alors qu'il faudrait certainement en pleurer !
À travers ce road movie, l'auteur nous dévoile une part des causes et des conséquences de la guerre entre les pays de l'ex-Yougoslavie dont les tensions sont palpables à chaque étape du voyage de Karlo.
Certains mystères ne seront révélés qu'à la fin : Pourquoi le héros a quitté Sarajevo avec sa mère à l'âge de 13 ans ? Pourquoi, aujourd'hui il emporte avec lui un revolver pour faire le chemin inverse ? Et enfin que veut dire le titre Freelander ?
Un excellent livre si on accepte de se laisser séduire par l'ambiance des Balkans.