Liana Lévy, 2024

« Au crépuscule de sa vie, Clara Ignorante raconte avec nostalgie l’histoire de ses grands-parents siciliens, arrivés en Tunisie pour fuir la misère. Sur cette terre que tous se sont appropriée - colons français, migrants italiens occupants allemands -, sa famille connaîtra la prospérité puis la déchéance. Et de cette terre seront exhumés les os de son père devenus noirs preuve d'un empoisonnement. 

Vengeance, trahison ou malédiction ? »

Clara raconte sa vie à la narratrice qui met sa plume au service des souvenirs des autres. C'est ce que l'autrice fait depuis plusieurs années se définissant comme une « biographe anonyme pour des gens qui le sont tout autant ».

Son premier roman est donc un mélange de récit et de fiction. En se rendant dans une maison de retraite interroger un vieux monsieur  à la demande de sa famille pour retracer sa vie, la narratrice fait la connaissance de Clara. Cette dernière semble avoir un parcours peu banal qui va permettre au lecteur de découvrir une page méconnue de l'histoire de la Tunisie.

Si au premier abord, on pense lire une énième histoire sur une décolonisation ratée, on est vite surpris et nos premières impressions sont rapidement balayées.

Dans l'entre-deux-guerres, la famille de Clara a quitté la Sicile pour fuir la misère. Pour la grand-mère, le déracinement est terrible, pour les parents, il est l'espoir d'une vie meilleure. Les enfants, quant à eux, auront bien du mal à trouver leur place. 

Ceux qui ont choisi d'adopter la nationalité française seront bien en peine à la décolonisation. Ils deviendront d'éternels étrangers où qu'ils soient : Tunisie, France, Italie. 

Ceux qui sont restés italiens auront à vivre une situation paradoxale durant l'occupation allemande de la Seconde Guerre mondiale. 

La Nonna, grand-mère de Clara sera une adoratrice de Mussolini.

À la Libération, la suspicion de collaboration plongera de nouveau la famille dans la misère qu'elle avait pourtant réussi à endiguer. Les Ignorante ne trouveront pas non plus grâce aux yeux des Tunisiens pourtant très séduits par l'idéologie fasciste qui lui fait miroiter l'indépendance.

À travers les déboires de cette famille, on est plongé dans les causes et les conséquences dramatiques des migrations malmenées par les événements historiques.

Clara est une femme âgée. Elle livre des souvenirs, parfois incertains tout en dépeignant des sensations qui sont aujourd'hui lointaines. La narratrice ne se contente pas de retranscrire ce témoignage brut. Ses recherches historiques remettrent de l'ordre dans le récit de son interlocutrice. Elle replace dans son contexte chaque moment de la vie de Clara.

Les os noirs est donc à la fois instructif sans être trop didactique. L'intime permet un éclairage historique très intéressant, tout en rendant la lecture agréable.