La saga de Bernie Gunther
Kerr Philip
3
Livre de Poche
Vous aimez les bons polars, ou les romans historiques, ou les deux : il faut lire les aventures de Bernie Gunther, par Philip Kerr, romancier écossais, le tout très bien écrit et très bien traduit, ce qui ne gâche rien.
Les aventures du héros alors inspecteur de la police criminelle (« Kripo ») commencent à Berlin, dans les années 30, pendant la république de Weimar finissante. Outre l’intrigue policière, le roman restitue fidèlement le contexte et l’ambiance de la ville où pauvreté et vie nocturne cohabitent, avec la montée du nazisme, où nazis et communistes s’affrontent.
Avec l’arrivée au pouvoir des nazis, Bernie Gunther quitte la police et se reconvertit comme détective privé. Mais sensibles à ses talents d’enquêteur, les nazis le récupèrent malgré lui et l’incorporent dans la S.S. On le suit dans les pays occupés par les forces du troisième Reich (Croatie, Tchécoslovaquie, Pologne) où le mènent ses enquêtes, mais surtout on fait la connaissance des personnages qu’il est amené à côtoyer, tous des personnages historiques , connus (Goebels, Heydrich, Eichmann), ou moins connus mais tout aussi réels, tous peints avec minutie (leur caractère, leur comportement, leurs manies…) et dans le cadre de leur activité.
Après la chute du troisième Reich, Bernie Gunther est compromis par son passé dans la S.S. C’est sous un nom d’emprunt qu’il enquête en Grèce pour une compagnie d’assurance, avec pour toile de fond le massacre des juifs de Salonique pendant l’occupation allemande. On le retrouve sur la côte d’azur où il est concierge dans un grand hôtel, et surtout à Munich et à Vienne sous occupation américaine. Là, il doit déjouer une machination machiavélique qui a pour but de le faire arrêter à la place d’un criminel de guerre recherché (ayant existé) afin de permettre à ce dernier de refaire sa vie.
C’est à Munich que l’on trouve les filières d’exfiltration des criminels nazis recherchés, d’abord celles de l’église catholique, (vers l’Amérique latine) et celles de la C.I.A (vers les U.S.A), mais aussi la relative complaisance de la république fédérale d’Adenauer, soucieuse de tourner la page du nazisme. Le tout étant très bien documenté. Ici encore, la peinture de ces candidats à l’exil est précise : des fanatiques, mais aussi des psychopathes, des opportunistes corrompus, des carriéristes, tel Eichmann encore, fidèle à l’image qu’en a donnée Hannah Arendt.
Pour Bernie Gunther se sera aussi l’exil via la filière catholique, vers l’Argentine de Juan Peron, puis vers Cuba alors encore sous Batista, et toujours traqué par les américains en raison de son passé.
Au fil de ces dix romans, on a une fresque historique, une approche psycho-sociologique de ce que furent les nazis, de comment furent perçus les occupants américains par les populations allemande et autrichienne, avec en prime tout ce qui fait un bon polar : le héros, des enquêtes, du suspense…
Bien sûr, chaque volume peut être lu indépendamment de l’ensemble. Vite, à vos libraires !
JR.
La saga de Bernie Gunther par ordre (source Wikipédia) chronologique
1928 : Metropolis. Lieu principal : Berlin.
1934 (et 1954) : Hôtel Adlon. Lieux principaux : Berlin (et La Havane).
1936 : L'Été de cristal. Lieu principal : Berlin.
1938 : La Pâle Figure. Lieu principal : Berlin.
1939 (et 1956) : Bleu de Prusse. Lieux principaux : Bavière (et Côte d'Azur).
1941 : Prague fatale. Lieux principaux : Berlin, Prague.
1943 (printemps) : Les Ombres de Katyn. Lieux principaux : Berlin, Katyne, Smolensk.
1943 (et 1956) : La Dame de Zagreb. Lieux principaux : Berlin, Zurich, Croatie (et Côte d'Azur).
1947-1948 : Un requiem allemand. Lieux principaux : Berlin et Vienne.
1949 : La Mort, entre autres. Lieux principaux : Dachau, Garmisch-Partenkirchen, Vienne (et Palestine mandataire).
1950 : Une douce flamme. Lieu principal : Buenos Aires.
1954 : Vert-de-gris. Lieux principaux : La Havane et Berlin.
1956 : Les Pièges de l'exil. Lieu principal : Côte d'Azur.
1957 : L'Offrande grecque. Lieux principaux : Munich et Athènes.