Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques
Levison Iain
3
Liana Levi, 2024
« Mille dollars de l'heure. Un tarif qui ne se refuse pas quand on est avocat commis d'office, obligé de passer ses journées, dimanche compris, à plancher sur les dossiers attristants de petits malfaiteurs sans envergure. Puis à négocier des peines avec un procureur plus puissant que soi mais tellement moins compétent. Alors Justin Sykes, lassé par ce quotidien déprimant, accepte pour ce tarif de se mettre un soir par semaine au service des filles d'un gentlemen’s club…»
Iain Levison est un maître dans l'art du roman satirique. Chacun de ses ouvrages décortique avec un humour féroce, un aspect de la société américaine.
Dans Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques, c'est au monde judiciaire qu'il s'attaque. Son écriture et son imagination débordante n'en rendent que plus fortes les critiques !
On retrouve dans ce livre, avec l'humour en plus bien sûr, des résonances avec le dernier film de Clint Eastwood Juré numéro 2 (voir la rubrique Mes films).
Iain Levison dénonce le pouvoir de l'argent qui immanquablement intervient dans la justice, les dérives électoralistes, l'absence de protection des plus faibles…
Dès les premières pages, les contradictions des lois américaines sont mises en lumière, leur fondement mais également leur disparité sur l'ensemble du territoire.
« Et maintenant, alors qu'elle n'a même pas l'âge légal pour se payer une bière, elle a besoin d'un avocat pour divorcer » dit-il à propos d'une stripteaseuse !
Justin aimerait faire son travail correctement mais le bureau des avocats commis d'office, subventionné par l'État, manque cruellement de moyens. Dans l'impossibilité de mener des investigations complémentaires pour défendre des pauvres bougres sans le sous, il ne reste que la négociation de peines avec le procureur pour échapper aux procès coûteux en temps et en argent.
Cette machine s'enraye lorsque le procureur incompétent, fils à papa, demande une peine bien lourde dans une démarche électoraliste. Le sort de simples citoyens semble alors tenir à des considérations bien éloignées de l'image qu'on se fait de la justice.
C'est parce que la vie de Justin est aussi déprimante que celle de ceux qu'il défend qu'il va accepter une bien étrange proposition de la part d'un homme dont il sait qu'il est bien peu recommandable.
Un drôle de manège s'installe, une fois par semaine, Justin se met à la disposition de stripteaseuses qui pourraient avoir besoin de conseils juridiques. Ce soir-là il ne doit pas rentrer chez lui mais dormir dans le motel qui fait face au club. Les événements mystérieux vont se multiplier autour de ce deal pour le moins surprenant. Le lecteur suit Justin avec beaucoup d'intérêt, se demandant dans quel guêpier il s'est fourré. L’ironie est jubilatoire, le portrait de l'Amérique sans complaisance mais les personnages toujours très humains, dans leurs défauts comme dans leurs qualités.
On passe un excellent moment de lecture avec cet avocat qui doit dispenser des conseils sérieux à des jeunes femmes en tenue légère !