L'Histoire de Souleymanz
Boris Lojkine
3
avec Abou Sangaré, Alpha Oumar Sow, Emmanuel Yovanie
Drame, 1h33, 2024
« Tandis qu'il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d'asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n'est pas prêt. »
On ne ressort pas indemne de cette projection. Ce film social à l'ambiance d'un thriller est terriblement poignant.
Abou Sangaré n'est pas un professionnel du cinéma. Il joue excellemment bien. Peut-être parce que c'est un bon acteur qui s'ignore ou simplement car c'est en partie son histoire qu'il doit interpréter. Le rythme est trépident, le quotidien de Souleymane est fait de courses contre-la-montre : pour livrer les repas, pour essayer de récupérer l'argent auprès de celui qui lui loue son compte Uber, pour apprendre l'histoire qui lui donnera le statut sacro-saint de régugié, pour prendre le bus qui l'amènera passer la nuit dans un centre d'hébergement…
Filmé au plus près du jeune homme, le spectateur vit intensément ses mésaventures. Loin de tout misérabilisme ou sentimentalisme, ce film suscite de fortes émotions par sa narration brute.
Comme quoi, il n'est pas besoin d'appuyer lourdement sur la corde sensible pour mettre en route l'empathie ! Ici, aucune musique ne viendra souligner la tristesse, la peur, la colère…. et dicter au spectateur son ressenti.
Les sons qui sont ceux de la ville rendent encore plus palpable la vie du jeune homme : le bruit de la circulation quand il pédale au plus vite pour multiplier les livraisons, ceux du RER quand il doit s'éloigner de Paris…
On mesure à chaque étape du film à quel point la précarité n'est pas une vie mais seulement une tentative de survie.
Souleymane est pris au piège. La misère des sans-papiers en fait vite des exploités. De l'argent, il en faut pour payer les passeurs , pour ceux qui aideront dans les démarches administratives… pour cela il faut travailler ce qui est impossible sans papier… sauf si on trouve un « prête nom » qu’il va aussi falloir payer !
La peur s'installe durablement, celle de tomber sur la police, d'être mal noté par l'application, de ne pas avoir de place pour la nuit….
Les rencontres agréables sont bien peu nombreuses, l’indifférence est assez généralisée.
Souleymane n'arrive pas à apprendre l'histoire qui l'aiderait à obtenir des papiers. Ce n'est pas un menteur mais la vérité fait-elle triompher des multiples obstacles ?
Ce très beau film salutaire donne envie de faire taire ceux qui osent présenter les migrants comme des profiteurs du système !